Le Petit Prince
adaptation théâtrale du texte d’Antoine de St Exupéry
Le petit Prince Chapitre 1
PP – J’ai vécu sans personne avec qui parler jusqu’à aujourd’hui… Quelque chose s’est cassé dans mon moteur… Et comme je n’ai avec moi ni mécanicien ni passager, je ne sais pas si je vais réussir à le réparer… ça sera long..
Le temps presse : je n’ai de l’eau que pour 8 jours au maximum et il y a beaucoup de danger dans le désert.
PP – S’il vous plait, dessine-moi un mouton !
Av – Hein ?
PP – Dessine-moi un mouton !
Av - Mais, qu’est-ce que tu fais là ?
PP – S’il vous plait, dessine-moi un mouton
Av – Mais, je ne sais pas dessiner..
PP – ça ne fait rien, dessine-moi un mouton !
l’aviateur dessine un mouton
PP – Non, celui-là est déjà très malade. Fais-en un autre !
l’aviateur dessine un mouton
PP (en souriant) – Tu vois bien, ce n’est pas un mouton, c’est un bélier, il a des cornes !
l’aviateur dessine un mouton
PP (déçu) – Celui-là est trop vieux. je veux un mouton qui vive longtemps !
l’aviateur dessine une caisse rectangulaire
Av – ça c’est la caisse, le mouton que tu veux est dedans (il sourit)
PP (très souriant) – C’est tout à fait comme ça que le voulais ! Crois-tu qu’il faille beaucoup d’herbe à ce mouton ?
Av – Pourquoi ?
PP – parce que chez moi, c’est tout petit…
Av – ça suffira sûrement. je t’ai donné un tout petit mouton.
PP (regarde bien le dessin) – pas si petit que ça… Tiens, il s’est endormi.
Le petit Prince Chapitre 3
PP - Qu'est-ce que c'est que cette chose-là ?
Av - Ce n'est pas une chose. Ça vole. C'est un avion. C'est mon avion.
PP (surpris) - Comment ! Tu es tombé du ciel ?
Av (modestement)- Oui.
PP - Ah ! ça c'est drôle... (éclate de rire joyeusement)
PP - Alors, toi aussi tu viens du ciel ! De quelle planète es-tu ?
Av travaille et se tourne vers PP.
Av - Tu viens donc d'une autre planète ?
PP ne répond pas mais hoche la tête doucement tout en regardant l’avion
PP - C'est vrai que, là-dessus, tu ne peux pas venir de bien loin...
Av - D'où viens-tu, mon petit bonhomme ? Où est-ce "chez toi" ? Où veux-tu emporter mon mouton ?
PP (après silence de réflexion) - Ce qui est bien, avec la caisse que tu m'as donnée, c'est que, la nuit, ça lui servira de maison.
Av - Bien sûr. Et si tu es gentil, je te donnerai aussi une corde pour l'attacher pendant le jour. Et un piquet.
PP (choqué) - L'attacher ? Quelle drôle d'idée !
Av - Mais si tu ne l'attaches pas, il ira n'importe où, et il se perdra...
PP (éclate de rire) - Mais où veux-tu qu'il aille ?
Av - N'importe où. Droit devant lui...
PP (tristement) - ça ne fait rien, c'est tellement petit, chez moi…. Droit devant soi on ne peut pas aller bien loin...
Le petit Prince Chapitre 6
PP - J'aime bien les couchers de soleil. Allons voir un coucher de soleil...
Av - Mais il faut attendre...
PP- Attendre quoi ?
Av - Attendre que le soleil se couche.
PP (réfléchit, un peu triste) – tu sais, je me crois toujours chez moi. Sur ma planète, il me suffit de tirer ma chaise de quelques pas, et je regarde le crépuscule une autre fois….
Un jour, j’ai vu le soleil se coucher 43 fois !
(silence puis tristement) Tu sais, quand on est tellement triste, on aime les couchers de soleil…
Av - Le jour des quarante-trois fois tu étais donc tellement triste ?
Le petit Prince Chapitre 7
PP: Un mouton, s’il mange les arbustes, il mange aussi les fleurs?
AvUn mouton mange tout ce qu’il rencontre.
PP:Même les fleurs qui ont des épines?
Av:Oui. Même les fleurs qui ont des épines.
PP:Alors, les épines, à quoi servent-elles ? (silence)
PPLes épines, à quoi servent-elles?
Av:[irrité] Les épines, ça ne sert à rien, c’est de la pure méchanceté de la part des fleurs.
PP:Oh !
PP: Je ne te crois pas ! Les fleurs sont faibles. Elles sont naïves. Elles se rassurent comme elles peuvent. Elles se
croient terribles avec leurs épines…
Av:[Préoccupé par son avion] Si ce boulon résiste encore, je le ferai sauter d’un coup de marteau.
PP:Et tu crois, toi, que les fleurs…
Av: Mais non ! Mais non ! Je ne crois rien ! J’ai répondu n’importe quoi. Je m’occupe, moi, des choses sérieuses !
PP:[stupéfait] Des choses sérieuses… Tu parles comme les grandes personnes !
Tu confonds tout… tu mélanges tout! [irrité] Je connais une planète où il y a un Monsieur : Il n’a jamais respiré
une fleur. Il n’a jamais regardé une étoile. Il n’a jamais aimé personne. Il n’a jamais rien fait d’autre que des
additions. Et toute la journée il répète comme toi : je suis un homme sérieux
PP:et ça le fait gonfler d’orgueil. Mais ce n’est pas un homme, c’est un champignon !
Av [perplexe] …Un quoi… ?
PP:Un champignon !! [Irrité et en colère] Il y a des millions d’années que les fleurs fabriquent des épines. Il y a
des millions d’années que les moutons mangent quand même les fleurs. Et ce n’est pas sérieux de chercher à
comprendre pourquoi elles se donnent tant de mal pour se fabriquer des épines qui ne servent jamais à rien?!
Ce n’est pas important la guerre des moutons et des fleurs ? Et si je connais, moi, une fleur unique au monde
qui n’existe nulle part, sauf dans ma planète et qu’un petit mouton peut détruire d’un seul coup, comme ça, un
matin, sans se rendre compte de ce qu’il fait, ce n’est pas important ça ? Pause… Si quelqu’un aime une fleur
qui n’existe qu’à un seul exemplaire dans les millions et les millions d’étoiles, ça suffit pour qu’il soit heureux
quand il la regarde. Il se dit : « Ma fleur est là quelque part… » Mais si le mouton mange la fleur… c’est pour lui
comme si, brusquement, toutes les étoiles s’éteignaient ! Et ça, ce n’est pas important !
Av : La fleur que tu aimes n’est pas en danger… Je lui dessinerai une muselière à ton mouton… Je te dessinerai une
armure pour ta fleur… Je… Je….
Le petit Prince Chapitre 12
PP - Avant d’arriver sur Terre, j’ai beaucoup voyagé et j’ai visité beaucoup de planètes.
PP (arrive près de la 1ère planète) - Que fais-tu là ?
Buveur - Je bois.
PP - Pourquoi bois-tu ?
Buveur - Pour oublier...
PP - Pour oublier quoi ?
Buv - Pour oublier que j'ai honte.
PP - Honte de quoi ?
Buv - Honte de boire ! (s’écroule par terre. silence)
PP (s'en va, perplexe). Les grandes personnes sont très bizarres.
Le petit Prince Chapitre 13
PP : Ah ! une nouvelle planète !
Businessman (très occupé. ne lève pas la tête à l'arrivée du petit prince)
PP – Bonjour !
Bus - Trois et deux font cinq. Cinq et sept douze. Douze et trois quinze. Bonjour. Quinze et sept vingt-deux. Vingt-deux et six vingt-huit. Vingt-six et cinq trente et un. Ouf ! Ça fait donc cinq cent un millions six cent vingt-deux mille sept cent trente et un.
PP - Cinq cents millions de quoi ?
Bus - Hein? Tu es toujours là ? Cinq cent un millions de... je ne sais plus... J'ai tellement de travail ! Je suis sérieux, moi, je ne m'amuse pas ! Deux et cinq sept...
PP - Cinq cent un millions de quoi ?
(Le businessman lève la tête)
PP - Millions de quoi ?
Bus - Millions de ces petites choses que l'on voit quelquefois dans le ciel.
PP - Des mouches ?
Bus - Mais non, des petites choses qui brillent.
PP - Des abeilles ?
Bus - Mais non. Des petites choses dorées qui font rêvasser les fainéants. Mais je suis sérieux, moi ! Je n'ai pas le temps de rêvasser.
PP - Ah ! Des étoiles ?
Bus - C'est bien ça. Des étoiles.
PP - Et que fais-tu de cinq cents millions d'étoiles ?
Bus - Cinq cent un millions six cent vingt-deux mille sept cent trente et un. Je suis sérieux, moi, je suis précis.
PP - Et que fais-tu de ces étoiles ?
Bus - Ce que j'en fais ?
PP - Oui.
Bus - Rien. Je les possède.
PP - Tu possèdes les étoiles ?
Bus - Oui.
PP - Et à quoi cela te sert-il de posséder les étoiles
Bus - ça me sert à être riche.
PP - Et à quoi cela te sert-il d'être riche ?
Bus - À acheter d'autres étoiles, si quelqu'un en trouve.
PP - Comment peut-on posséder les étoiles ?
Bus – (grincheux) À qui sont-elles ?
PP - Je ne sais pas. À personne.
Bus - Alors elles sont à moi, car j'y ai pensé le premier
PP - Ça suffit ?
Bus - Bien sûr. Quand tu trouves un diamant qui n'est à personne, il est à toi. Quand tu trouves une île qui n'est à personne, elle est à toi. Quand tu as une idée le premier, tu la fais breveter : elle est à toi. Et moi je possède les étoiles, puisque jamais personne avant moi n'a songé à les posséder.
PP - Ça c'est vrai. Et qu'en fais-tu ?
Bus - Je les gère. Je les compte et je les recompte. C'est difficile. Mais je suis un homme sérieux !
PP (après silence et réflexion) - Moi, si je possède un foulard, je puis le mettre autour de mon cou et l'emporter. Moi, si je possède une fleur, je puis cueillir ma fleur et l'emporter. Mais tu ne peux pas cueillir les étoiles !
Bus - Non, mais je puis les placer en banque.
PP - Qu'est-ce que ça veut dire ?
Bus - ça veut dire que j'écris sur un petit papier le nombre de mes étoiles. Et puis j'enferme à clef ce papier-là dans un tiroir.
PP - Et c'est tout ?
Bus - Ça suffit !
PP (pour lui-même) - C'est amusant. C'est assez poétique. Mais ce n'est pas très sérieux…. (au public) Moi, je possède une fleur que j'arrose tous les jours. Je possède trois volcans que je ramone toutes les semaines. Car je ramone aussi celui qui est éteint. On ne sait jamais. C'est utile à mes volcans, et c'est utile à ma fleur, que je les possède. Mais tu n'es pas utile aux étoiles….
(Le businessman ouvre la bouche mais ne trouve rien à répondre)
PP (s'en allant) - Les grandes personnes sont vraiment très bizarres.
Le petit Prince Chapitre 15
PP – Tiens ! Encore une nouvelle planète !
Le géographe : Tiens ! Voilà un explorateur ! D'où viens-tu ?
PP - Quel est ce gros livre ? Que faîtes- vous ici ?
Géo - Je suis géographe.
PP - Qu'est-ce qu'un géographe ?
Géo - C'est un savant qui connaît où se trouvent les mers, les villes, les montagnes les déserts …
PP – Ça, c'est bien intéressant. Ça c'est un véritable métier ! (il regarde la planète) Elle est bien belle votre planète. ( joyeux) Est-ce qu'il y a des océans ?
Géo - Je ne peux pas le savoir…
PP -Ha ! (déçu). Et des montagnes ?
Géo - Je ne peux pas le savoir non plus.
PP - Mais vous êtes géographe !
Géo - C'est exact, mais je ne suis pas explorateur. Ce n'est pas le géographe qui va faire le compte des villes, des fleuves, des montagnes … Le géographe est trop important pour voyager. Il ne quitte pas son bureau. Il reçoit les explorateurs. Et si les souvenirs de l'un d'entre eux me paraissent intéressants, je fais une enquête sur la moralité de cet homme.
PP - Pourquoi ça ?
Géo - Parce qu'un explorateur qui boit trop voit double, alors je noterai 2 montagnes alors qu'il y en a qu'une.
PP - Je connais quelqu'un qui ferait un très mauvais explorateur…
Géo - C'est possible. Donc, on fait une enquête sur sa découverte.
PP - On va voir ?
Géo - Non, c'est trop compliqué. Mais on exige qu'il fournisse des preuves, par exemple, de grosses pierres s'il a découvert une grosse montagne. (le géographe parle fort) Mais toi, tu viens de loin ! Tu es explorateur ! Décris-moi ta planète !
PP – (timide et fier en même temps) Oh, chez moi ce n'est pas très intéressant, c'est tout petit. J'ai trois volcans, deux en activités et 1 éteint. J'ai aussi une fleur.
Géo -Nous ne notons pas les fleurs.
PP - Pourquoi ça ? C'est le plus joli !
Géo - Parce qu'elles sont éphémères.
PP - Qu'est-ce que ça veut dire « éphémère » ?
Géo - Que les volcans soient éteints ou réveillés, ça revient au même. Ce qui compte c'est les montagnes. Elles ne changent pas.
PP - Mais, qu'est-ce que signifie « éphémère » ?
Géo - Qui est menacé de disparition prochaine.
PP - Ma fleur est menacée de disparition prochaine ?
Géo (fort et froidement) - Bien sûr !
PP (dépité)-Ma fleur est éphémère, elle n'a que quatre épines pour se défendre contre le monde, et je l'ai laissée toute seule chez moi ! …
PP (silence puis sourire) Que me conseillez-vous d'aller visiter ?
Géo -La planète Terre, elle a bonne réputation.
PP - Ah très bien, au revoir.
PP (s'en allant) - Les grandes personnes sont vraiment très, très bizarres.
Le petit Prince Chapitre 17
PP : (surpris) C’est donc comme ça la Terre… , C’est bizarre, il n’y a personne... je me suis peut-être trompé… (voit quelque chose qui bouge dans le sable). (doucement) Bonne nuit
Serpent - Bonne nuit.
PP - Sur quelle planète suis-je tombé ?
S - Sur la Terre, en Afrique
PP - Ah ! ... Il n'y a donc personne sur la Terre ?
S (sûr de lui) - Ici c'est le désert. Il n'y a personne dans les déserts. La Terre est grande.
PP - Je me demande si les étoiles sont éclairées afin que chacun puisse un jour retrouver la sienne. Regarde ma planète. Elle est juste au-dessus de nous... Mais comme elle est loin !
S - Elle est belle. Que viens-tu faire ici ?
PP - J'ai des difficultés avec une fleur.
S - Ah !
PP - Où sont les hommes ? On est un peu seul dans le désert...
S - On est seul aussi chez les hommes.
PP - Tu es une drôle de bête, mince comme un doigt ...
S - Mais je suis plus puissant que le doigt d'un roi !
PP (sourire moqueur) - Tu n'es pas bien puissant... tu n'as même pas de pattes... tu ne peux même pas voyager.
S – Je peux t'emporter plus loin qu'un navire… Celui que je touche, je le rends à la terre dont il est sorti. Mais tu es pur et tu viens d'une étoile… Tu me fais pitié, toi si faible, sur cette Terre de granit. Je peux t'aider un jour si tu regrettes trop ta planète. Je peux ...
PP - Oh ! J'ai très bien compris…
Le PP s’en va loin du désert.
Le petit Prince Chapitre 19
le PP arrive dans les montagnes.
PP – Bonjour…
Echo - Bonjour... bonjour... bonjour...
PP - Qui êtes-vous ?
Echo - Qui êtes-vous... qui êtes-vous... qui êtes-vous...
PP - Soyez mes amis, je suis seul,
Echo - Je suis seul ... je suis seul... je suis seul
PP (à lui-même) Quelle drôle de planète. Elle est toute sèche, toute pointue et toute salée. Et les hommes manquent d'imagination. Ils répètent ce qu'on leur dit ... Chez moi j'avais une fleur : elle parlait toujours la première ...
Le petit Prince Chapitre 20
PP arrive dans un jardin fleuri de roses
PP - Bonjour
Roses - Bonjour.
PP (stupéfait) - Qui êtes-vous ?
Roses- Nous sommes des roses.
PP (triste) - Ah !... Des roses… ? Mais… ma rose sur ma planète, elle m’avait dit qu’elle était unique, seule de son espèce… et ici il y en a cinq mille, toutes semblables à ma rose…
Le petit Prince Chapitre 21
Renard - Bonjour !
PP (poli) – Bonjour (regarde autour de lui, mais ne voit rien)
R - Je suis là, sous le pommier...
PP - Qui es-tu ? Tu es bien joli...
R - Je suis un renard.
PP (suppliant) - Viens jouer avec moi. Je suis tellement triste...
R - Je ne puis pas jouer avec toi... Je ne suis pas apprivoisé.
PP - Ah ! Pardon. (après réflexion) Qu'est-ce que signifie "apprivoiser" ?
R - Tu n'es pas d'ici, que cherches-tu ?
PP - Je cherche les hommes... Qu'est-ce que signifie "apprivoiser" ?
R - Les hommes, ils ont des fusils et ils chassent. C'est bien gênant ! Ils élèvent aussi des poules. C'est leur seul intérêt. Tu cherches des poules ?
PP - Non. Je cherche des amis. Qu'est-ce que signifie "apprivoiser"?
R - C'est une chose trop oubliée. Ça signifie "créer des liens..."
PP - Créer des liens ?
R - Bien sûr. Tu n'es encore pour moi qu'un petit garçon tout semblable à cent mille petits garçons. Et je n'ai pas besoin de toi. Et tu n'as pas besoin de moi non plus. Je ne suis pour toi qu'un renard semblable à cent mille renards. Mais, si tu m'apprivoises, nous aurons besoin l'un de l'autre. Tu seras pour moi unique au monde, je serai pour toi unique au monde...
PP - je commence à comprendre... Il y a une fleur... je crois qu'elle m'a apprivoisé...
R - C'est possible. On voit sur la Terre toutes sortes de choses...
PP - Oh ! ce n'est pas sur la Terre.
R (surpris) - Sur une autre planète ?
PP - Oui.
R - Il y a des chasseurs, sur cette planète-là ?
PP - Non.
R - ça, c'est intéressant ! Et des poules ?
PP - Non.
R (en soupirant) - Rien n'est parfait...
R (optimiste) - Ma vie est monotone. Je m'ennuie un peu. Mais, si tu m'apprivoises, ma vie sera comme ensoleillée. Regarde ! Tu vois, là-bas, les champs de blé ? Je ne mange pas de pain. Le blé pour moi est inutile. Les champs de blé ne me rappellent rien. Et ça, c'est triste ! Mais tu as des cheveux couleur d'or. Alors ce sera merveilleux quand tu m'auras apprivoisé ! Le blé, qui est doré, me fera souvenir de toi. Et j'aimerai le bruit du vent dans le blé...
(silence - Le renard regarde longtemps le petit prince) S'il te plaît... apprivoise-moi !
PP - Je veux bien, mais je n'ai pas beaucoup de temps. J'ai des amis à découvrir et beaucoup de choses à connaître.
R - On ne connaît que les choses que l'on apprivoise. Les hommes n'ont plus le temps de rien connaître. Ils achètent des choses toutes faites chez les marchands. Mais comme il n'existe point de marchands d'amis, les hommes n'ont plus d'amis. Si tu veux un ami, apprivoise-moi !
PP - Que faut-il faire ?
R - Il faut être très patient. Tu t'asseoiras d'abord un peu loin de moi, comme ça, dans l'herbe. Je te regarderai du coin de l'oeil et tu ne diras rien. Le langage est source de malentendus. Mais, chaque jour, tu pourras t'asseoir un peu plus près...
(le lendemain)
R - Il aurait mieux valu revenir à la même heure. Si tu viens, par exemple, à quatre heures de l'après-midi, dès trois heures, je commencerai d'être heureux. Je découvrirai le prix du bonheur ! Mais si tu viens n'importe quand, je ne saurai jamais à quelle heure m'habiller le coeur...
(après plusieurs jours)
PP – Je vais bientôt partir…
R - Ah ! ... Je pleurerai.
PP - C'est ta faute, je ne te souhaitais point de mal, mais tu as voulu que je t'apprivoise...
R - Bien sûr.
PP - Mais tu vas pleurer !
R - Bien sûr.
PP - Alors tu n'y gagnes rien !
R – Si, j'y gagne, à cause de la couleur du blé.
Va revoir les roses. Tu comprendras que la tienne est unique au monde. Tu reviendras me dire adieu, et je te ferai cadeau d'un secret.
(Le PP va revoir les roses.)
PP - Vous n'êtes pas du tout semblables à ma rose, vous n'êtes rien encore. Personne ne vous a apprivoisées et vous n'avez apprivoisé personne. Vous êtes comme était mon renard. Ce n'était qu'un renard semblable à cent mille autres. Mais j'en ai fait mon ami, et il est maintenant unique au monde…. Vous êtes belles, mais vous êtes vides. On ne peut pas mourir pour vous. Ma rose à moi, à elle seule, elle est plus importante que vous toutes, puisque c'est elle que j'ai arrosée, puisque c'est elle que j'ai abritée, puisque c'est elle dont j'ai tué les chenilles, puisque c'est elle que j'ai écoutée… Puisque c'est ma rose.
(Le PP revient vers le renard)
PP - Adieu…
R - Adieu. Voici mon secret. Il est très simple : on ne voit bien qu'avec le coeur. L'essentiel est invisible pour les yeux.
PP - L'essentiel est invisible pour les yeux.
R - C'est le temps que tu as perdu pour ta rose qui rend ta rose si importante.
PP - C'est le temps que j'ai perdu pour ma rose...
R - Les hommes ont oublié cette vérité. Mais tu ne dois pas l'oublier. Tu deviens responsable pour toujours de ce que tu as apprivoisé. Tu es responsable de ta rose ...
PP - Je suis responsable de ma rose ...
Le petit Prince Chapitre 26
PP - Je suis content que tu aies trouvé ce qui manquait à ta machine. Tu vas pouvoir rentrer chez toi...
Av - Comment sais-tu ?!
PP - Moi aussi, aujourd’hui, je rentre chez moi... C’est bien plus loin... c’est bien plus difficile... (sérieux, un peu perdu) J’ai ton mouton. Et j’ai la caisse pour le mouton. Et j’ai la muselière... J’aurai peur ce soir...
Av - Petit bonhomme, je veux encore t’entendre rire...
PP - Cette nuit, ça fera un an. Mon étoile se trouvera juste au-dessus de l’endroit où je suis tombé l’année dernière...
Av - Petit bonhomme, n’est-ce pas que c’est un mauvais rêve cette histoire de serpent et de rendez-vous et d’étoile...
PP - Ce qui est important, ça ne se voit pas...
Av - Bien sûr...
PP - C’est comme pour la fleur. Si tu aimes une fleur qui se trouve dans une étoile, c’est doux, la nuit, de regarder le ciel. Toutes les étoiles sont fleuries.
Av - Bien sûr...
PP - Tu regarderas, la nuit, les étoiles. C’est trop petit chez moi pour que je te montre où se trouve la mienne. C’est mieux comme ça. Mon étoile, ça sera pour toi une des étoiles. Alors, toutes les étoiles, tu aimeras les regarder... Elles seront toutes tes amies. Et puis je vais te faire un cadeau... (il rit)
Av - Ah ! petit bonhomme, petit bonhomme j’aime entendre ce rire !
PP - Justement ce sera mon cadeau…. Les gens ont des étoiles qui ne sont pas les mêmes. Pour les uns, qui voyagent, les étoiles sont des guides. Pour d’autres, elles ne sont rien que de petites lumières. Pour d’autres qui sont savants, elles sont des problèmes. Pour mon businessman, elles étaient de l’or. Mais toutes ces étoiles-là se taisent. Toi, tu auras des étoiles comme personne n’en a...
Av - Que veux-tu dire ?
PP - Quand tu regarderas le ciel, la nuit, puisque j’habiterai dans l’une d’elles, puisque je rirai dans l’une d’elles, alors ce sera pour toi comme si toutes les étoiles riaient. Tu auras, toi, des étoiles qui savent rire ! (il rit)
Parfois, tu ouvriras ta fenêtre, comme ça, pour le plaisir... Et tes amis seront bien étonnés de te voir rire en regardant le ciel. Alors tu leur diras : "Oui, les étoiles, ça me fait toujours rire ! " Et ils te croiront fou ! ( il rit encore).
Ce sera comme si je t’avais donné, au lieu d’étoiles, des tas de petits grelots qui savent rire...
_______ …. _______
Petit Prince, toi, tu t’en vas
Tu t’en vas vers son étoile
Rose, ta rose, tu vas rejoindre
Elle est essentielle pour toi
Toi, tu l’as apprivoisée
Elle, elle t’a apprivoisé
Au revoir cher Petit Prince
Nous ne t’oublierons jamais
